Louisiane Nord

LE TEMPS DES CHOSES - CLAUDE POISSANT

Il ne faut pas craindre la mélancolie. Celle de Louisiane Nord n'est pas faite d'affliction, de désolation ou de morosité. Elle regarde loin devant elle, jusqu'où la lueur existe. Elle entend les bruits du passé, sons métalliques et craquements de bois, cris de guerres et de naissances. Elle à l'élégance des personnages qu'elle a dessinés et qui méditent sur le sens des choses, les rêves blessés, mais aussi la beauté des mots, des idées.

Ils sont cinq entre frisson et spleen à viser toutes les cimes, celles des vagues comme celle des cratères, à bâtir des totems sur la terre exigée, cinq spectres qui cherchent dans leur bout du monde ce que la l'Amérique leur a légué de juste et de vivant. François Godin m'a prêté cette oeuvre dense et inquiète avec la modestie d'un enfant qui livre son premier poème. Mais ce n'est pas son premier et ce n'est pas un poème. C'est une oeuvre sans étiquette, un abri sous les secrets, jamais à l'épreuve des doutes. C'est un traité, une perspective, un passage, une épure, un point final, un plaidoyer. Au Théâtre PàP, Louisiane Nord, c'est le type de voyage qui nous appelle, une promenade pleine d'obstacles dans l'inconnu, un étourdissement et pourquoi pas, une... mélancolie.

Dans ce voyage mystérieux, cinq comédiens se jettent sans crier gare, avec ferveur. Ensemble, ils y ont trouvé la violence et l'apaisement. Merci à eux et merci aux concepteurs pour avoir pris le temps des choses. Les cordes de Ludovic accompagneront longtemps nos blues. Enfin, merci à tous ceux qui m'entourent pour avoir rendu la vie si agréable sur notre côté atlantique.

NORD LOINTAIN - FRANÇOIS GODIN

Il n'y a pas d'État de Louisiane Nord ; sur aucune carte on ne lira North Louisianna, comme on peut lire North Dakota ou North Carolina ; aucune ligne ne trace le contour d'un nord et d'un sud de la Louisiane. Ainsi, dans Louisiane Nord, le Nord est indéterminé ; il est à entendre comme une étendue vaste du continent, où nous sommes ; et qui touche à un point sur la côte atlantique, où on grandi Liliane et Jimmy, où sont venus Fraser, Lyne, Madeleine...

C'est un Nord lointain de la Louisiane, puisque c'est par la grâce de quelques jours d'été indien qu'il y fait bon, que les vents sont tombés, que le soleil réchauffe un peu. C'est un lieu que je ne saurais situer exactement, ce pourrait être le Québec ; ce pourrait être l'Acadie ; le drapeau U.S. pourrait y flotter aussi bien. On y parle pas français sans que des mots d'anglais affleurent ici et là ; le français y est comme la falaise battue, rebattue par les vagues, et qui cède à la mer, année après année, un peu de son roc devenu friable.

C'est une terre rude ; elle serait menacée, ceux qui y vivent en seront chassés peut-être, mais cette une terre d'Amérique, alors : terre à réinventer, à repartir de rien, jamais si belle que dans ses promesses de recommencements...