Du 17 octobre au 11 novembre 2006

Couche avec moi (c'est l'hiver)

Couche avec moi (c'est l'hiver)

Texte de Fanny Britt

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Une création du Théâtre PàP et du Théâtre de la Bordée,
Présenté au Théâtre Espace Go.

Théâtre PàP Par rapport à tes pièces précédentes, Couche avec moi (c'est l'hiver) fait preuve d'une écriture plus acérée, plus piquante.

Fanny Britt J'avais l'impression que mes autres pièces avaient quelque chose d'un peu lisse dans leur tristesse, dans la solitude, qu'il fallait que j'aille plus loin. Je voulais que mes personnages se heurtent les uns aux autres. Une pièce de collisions. Je voulais parler de contacts, de contacts qui ne se font pas, ou tout croches. La solitude et la fameuse incommunicabilité.

Ensuite, pour moi, très concrètement, il y avait une envie de parler de la pornographie. Au-delà de l'idée vague de parler de solitude, de désir, de contacts, du corps...

Théâtre PàP Qu'es-ce que tu voulais exprimer à travers la pornographie ?

Fanny Britt Non pas à travers elle, mais à travers l'utilisation qu'on en fait. Ou ce pourquoi on a recours à ça dans la vie. Le fait que c'est devenu presque cool. Qu'on vive aussi avec le sentiment d'identification à ça, même dans un milieu très affranchi, disons pseudo-intellectuel ou artistique... Étant issue d'une mère féministe et étant une mère féministe... étant tout ce que je suis, je me rendais compte que j'étais sujette moi-même à me sentir inadéquate vis-à-vis des modèles proposés. Ça ramène toujours ou souvent au sentiment d'être inadéquat. D'ailleurs, j'aimerais bien qu'il existe un mot pour dire ce sentiment d'être inadéquat. Genre « inadéquacitude ». « Inadéquatesse ». J'aimerais ça, je l'utiliserais souvent. Parce que c'est principalement une pièce sur ce sentiment-là.

Théâtre PàP Ou la SENSATION d'être inadéquat.

Fanny Britt Effectivement, ce n'est pas pareil. Je crois que c'est ce qui arrive quand on ne s'aime pas. Ou a alors beaucoup de mal à accorder de la crédibilité et du respect à ceux qui nous aiment. Peut-être que la fameuse phrase de Woody Allen incarne vraiment ce sentiment : « Je ne voudrais appartenir à aucun club qui accepterait des gens comme moi ! »

Quand on se sent inadéquat, on se demande : « Quel cave pourrait m'aimer ? Moi, je sais que je suis poche. Alors s'il arrive et dit qu'il m'aime, il est forcément un poche. Soit il ne s'est pas rendu compte que j'étais poche soit il aime les poches. Alors c'est un poche. Forcément. »

La pièce passe par des histoires de couple, mais pour parler d'autres choses : ce quelque chose qui se passe dans notre société, avec la culture en général, l'intellectualisme et ce qu'on en fait. Au Québec et en Occident. Le rapport à l'art y est important. Et accessoirement le rapport à l'hiver. L'hiver est à la fois un désert et une perpétuelle prise de tête. L'hiver est un désert même s'il est peuplé de gens, l'hiver est compliqué, une agression, on a froid mais on se réchauffe, il est sale et blanc à la fois, on le porte sur nous, sur notre peau, sur nos vêtements, c'est long.

Théâtre PàP On sent une influence très américaine dans ton écriture.

Fanny Britt Je suis très sensible et admirative de l'écrivain qui parvient à nous communiquer une humanité à travers une voix, une voix concrète. Certains écrivains américains arrivent à exprimer par exemple toute la détresse, à travers quelques détails. Je pense à Lorie Moore, Raymond Carver, Richard Ford, Michael Cunningham, entre autres.

Je suis aussi très attirée par les lectures sur les phénomènes de société actuels. Les écrivains américains sont souvent habiles à rendre l'humanité, le tragique dans le trivial, l'immensité dans le trivial. La maladresse dans la fragilité. L'humain dans tout. Dans tout. Ils décrivent souvent bien le sentiment amoureux, mais aussi le laid à travers le concret. Comme eux, je crois qu'une image banale peut être plus choquante ou véridique qu'une image trash. Par exemple, un pot de chambre dans la chambre d'un malade. Ou non, c'est encore trop trash. Juste les draps un peu jaunes. Oui. Décrire ça. La vraie réalité. L'image normale qui peut nous faire pleurer si on s'y attarde. Le réel. Le détail. Parce que dans le drap jauni, il y a aussi l'amour, l'intimité.

Trouver l'image concrète qui dit quelque chose. Qui parle. À partir de celle-ci, on peut construire une situation. Ma façon de travailler, ce serait ça. La superposition de plusieurs éléments ensemble, dans le concret. C'est ça que je cherche quand je travaille. C'est la clé de la création d'un univers.

« L'INADÉQUACITUDE »
Entrevue avec Fanny Britt

Avec:
Stéphan Allard
Éva Daigle
Martin Laroche
Julie McClemens
Ansie St-Martin

Texte:
Fanny Britt

Mise en scène:
Geoffrey Gaquère

Assistance à la mise en scène et régie:
Stéphanie Capistran-Lalonde

Décor et accessoires:
Jean Bard

Éclairages:
Lucie Bazzo

Costumes:
Jennifer Tremblay

Musique originale:
Nicolas Basque

Maquillages:
Florence Cornet

Mouvement:
Caroline Laurin-Beaucage

Graphisme:
François Picard, Épicentre

Relations de presse:
Hugo Couturier

Photographe:
Yves Renaud

Direction technique:
Olivier Girard

Direction de production:
Catherine La Frenière,
Assistées de:
Catherine Desjardins-Jodin

Stagiaire à la mise en scène:
Vincent-Guillaume Otis

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